Le
positivisme, qui ne conçoit d'autre vérité que celle de la Science, voit l'humanité comme un « grand être » qui, après l'enfance de l'Antiquité et ses mythes, l'adolescence médiévale et sa métaphysique, est parvenue à l'âge adulte pour ne plus percevoir le réel qu'avec un regard rationnel, scientifique. C'est ce que J. Brun nomme « une institutionnalisation radicale de la vérité dite scientifique » (p. 299) Tout est explicable par des lois physiques, et
la science infaillible est la seule « capable de guérir l'humanité de l'erreur et de la fuite en lui ouvrant une route où la connaissance lui donnera conscience de ses pouvoirs »(p. 301). La foi dans la science, et par elle dans le Progrès humain est totale. (Dieu est le « dieu des failles », celui dont on invoque l'action chaque fois qu'on ne sait pas expliquer un phénomène. De fait, toute avancée de l'explication scientifique est un recul de « Dieu »).
L'une des conséquences est une «
déchristianisation plus ou moins agressive » - l'homme enfin libre de son destin serait « délivré de toute transcendance », auto-divinisé.
Cette transcendance divine du christianisme est remplacée par des « ersatz » (p. 299) sensés donner « le sens de l'histoire » :
- chez Marx, c'est la
lutte des classes qui est le moteur de l'histoire
- chez Darwin, ce sera la «
sélection naturelle ».
A partir de là, être libre signifie connaître les déterminismes sociaux ou naturels qui nous font ce que nous sommes, pour mieux leur « obéir » (p. 300). Le marxisme comme le darwinisme font de l'homme « individuel, générique ou social, un produit (J. Brun dit aussi « un objet », d'étude par exemple) explicable à partir des éléments et des forces qui l'ont constitué » (p. 300)
Quelle sont la place et les caractéristiques respectives de Marx et Darwin ?
Ils jouent tous les deux un rôle capital (sans jeu de mot!).
-
Marx : comme Comte, il a voulu « fonder scientifiquement la politique ». Mû par une indignation bien légitime devant le sort réservé aux ouvriers de son époque, il développe une
explication matérialiste du monde (le matérialisme historique ») basée sur le concept de « lutte des classes » ; « ce que sont les individus dépend des conditions matérielles de leur production », càd « de ce qu'ils produisent et de la manière dont ils le produisent » (p. 309).
Ces conditions matérielles (les « infrastructures ») déterminent la culture, l'art, la façon de penser, etc. (« les superstructures »).
Le conflit de la lutte des classes se trouve posé au cœur même de cette société industrielle qu'il voit s'affirmer au XIXe siècle et où s'opposent les possesseurs des moyens de production et ceux que l'on peut nommer les entrepreneurs de cette production, càd les ouvriers.
En comme, pour changer la culture et les mentalités, il faut changer les infrastructures, notamment en redonnant aux ouvriers la maîtrise de leur outil de production.
Autre idée clé : l'opposition travail/capital : en gros,
l’antagonisme des classes y est conçu comme la raison de la transformation du monde, qui viendra de la lutte du travail contre le capital. Marx écrit : « Le capital est du travail mort, qui, tel un vampire, ne vit qu'en suçant le travail vivant, et vit d'autant plus qu'il en suce davantage ».
De fait, il propose une
vision de l'histoire utopique, tendue vers les fameux « lendemains qui chantent », dans une société sans classes « quasi paradisiaque ». L'avenir sera radieux, la Rédemption viendra de la Révolution.
On retrouve là aussi un « scientisme infaillible », mais peu objectif puisque entièrement orienté selon la vision marxiste - donc rejetant toute conclusion qui s'oppose à cette vision.
On sait ce que ça a donné - et ce que ça donne encore !
- Pour
Darwin, dont l'influence a été considérable elle aussi,
le moteur de l'histoire se trouve dans les lois naturelles de l'Evolution. J. Brun dit fort justement que Darwin à « jeté les bases d'une nouvelle Genèse récusant celle de la Bible en lui substituant une génétique ». Cette vision satisfait aussi l’orgueil de l'homme puisque « non seulement il a ainsi le sentiment de pouvoir se passer de tout mystère, mais il a la satisfaction de se considérer comme le produit de ses propres acquisitions et de ne plus dépendre d'un Père créateur ».
Cette pensée amène là aussi à une
philosophie du progrès humain ; « L'évolution devient … une sorte de Rédemption en marche où le Dieu vivant a cédé la place à une vie déifiée » (p. 312)
Cette théorie évolutionniste, dont J. Brun dit bien qu'elle a tendance à « faire passer ses hypothèses pour des conclusions » a eu des applications dans bien des domaines , dont la Critique Biblique que nous étudions cette année.
Pour approfondir la question des rapports foi/évolution, je vous suggère un tour sur le site du
Réseau des Scientifiques Evangéliques du GBU, sous la houlette de L. Jaeger. Ces conférences donnent du grain à moudre, qu'on y adhère ou pas, c'est passionnant.
http://rescev.free.fr/index.php?page=ressources