Pour Kant, les Lumières sont l'accession de l'homme à une sorte de « majorité » ; il peut enfin oser penser par lui-même, accéder à une raison autonome libérée de la dépendance à Dieu, entre autres. Kant met là en relief l'idée centrale du siècle des Lumières, qui est que l'homme ne parviendra au bonheur que par la raison, moteur d'un Progrès humain souhaité. L'homme, perfectible « à l'infini » (Condorcet), peut créer un monde de bonheur et d'harmonie par les « lumières naturelles » de la raison. Il n'y a pas de péché qui l'en empêche. Nul besoin du coup de Dieu, considéré comme un concept culpabilisant et aliénant - ni de ses représentants (voir l'anticléricalisme de beaucoup ; on pense à la fameuse expression de Voltaire, « écraser l'Infâme » - c'est-à-dire la religion instituée).
La science progresse, consolidant l'idée que le monde est auto explicatif, et que la Nature, sage et bonne, donnera la trame à la fois d'une religion naturelle épanouissante et d'une loi. Sade illustrera jusqu'aux pires extrêmes l'idée très XVIIIe que puisque tout vient de la nature, rien n'est contre nature - il n'existe donc aucun repère moral transcendant les instincts naturels.
Un concept est important, celui de la Volonté Générale.
Paradoxalement, l'idée va mener à la fois à une « adoration du général », une « divinisation du collectif » (avec une assimilation du rationnel au général) et en même temps à une reconnaissance du pluralisme culturel (chaque région ayant sa volonté générale spécifique), à l'effacement du clivage civilisation/barbarie au profit de la reconnaissance d'une multitude de civilisations différentes toutes légitimes.
En s'ouvrant aux autres cultures, l'esprit occidental remet en question les certitudes bien établies, notamment en matière de droit et de religion. Le mythe du Bon Sauvage a une place centrale ici ; on le trouve au cœur d'oeuvres comme L'ingénu (Voltaire) ou les Lettres Persanes de Montesquieu, par exemple : dans ces œuvres, un « sauvage » fictif porte un regard à la fois naïf et critique sur la civilisation occidentale, mettant en relief ses aberrations, ses contradictions, ses excès et relativisant ses valeurs. (principe éculé de films comme « un indien dans la ville », excusez la référence un peu triviale !)
De fait, le relativisme se développe ; la transcendance des lois, par exemple, est remise en question au profit d'une conception pluraliste. (« volonté de donner à l'homme des dimensions multiples » p213).
D'importantes découvertes techniques (comme la machine à vapeur) bouleversent le rapport au monde, dont l'homme se considère peu à peu comme « l'ingénieur » (p.221). La raison construit d'elle-même « sa propre Providence » (p. 222)
L'individualisme est renforcé puisque « l'entreprise de démystification libératrice par la raison, jointe à la reconnaissance d'une pluralité de volontés générales (…) conduit à une fragmentation des volontés collectives en des volontés particulières ».